Gazette du livre médiéval, n° 32, Printemps 1998.
J. P. GumbertOn aimerait bien connaître les outils des copistes médiévaux : aussi bien leurs noms que leurs fonctions. Mais, hélas, les renseignements restent trop rares. On possède des listes d'outils, telle la liste d'objets qu'un chartreux doit avoir en sa cellule, dressée par Guigues dans ses Consuetudines (XXVIII, 2), au XIIe siècle ; on peut la lire, par exemple, dans Wattenbach, Schriftwesen, éd. 1896, p. 211, ou dans Migne, P. L. 153, col. 693 ; mais bien des objets mentionnés dans ces listes restent énigmatiques - comme la postis ad regulandum citée par Guigues.
D'un autre côté, on trouve tout au long du Moyen Age de belles miniatures représentant des scribes avec une riche collection d'outils à portée de leur main ; mais il manque un commentaire pour nous expliquer ce qu'on voit...
On rêve donc d'avoir en même temps le texte et l'illustration. Mais, quand ce rêve se réalise, on se retrouve devant de nouvelles énigmes...
Au début du XVIe siècle, deux maîtres d'écriture italiens, Giovannantonio Tagliente (La vera arte delo excellente scrivere de diverse varie sorti de litere..., 1530) et Giovambattista Palatino (Libro nel qual s'insegna a scrivere ogni sorte lettera..., 1540), ont dressé la liste des outils qu'un scribe doit posséder ; tous les deux ont également donné des illustrations de ces outils, disposés en une sorte de trophée (il est évident que les deux dessins procèdent, d'une façon quelconque, d'un même modèle).
On trouve ces deux textes commodément réunis dans l'édition en fac-similé publiée par Oscar Ogg (Three Classics of Italian Calligraphy, New York, Dover Press, 1953 et réimpressions) : la liste de Tagliente, très brève, est à la p. 106, avec l'illustration à la p. 107 ; celle de Palatino, assez longue et accompagnée d'explications utiles et de recettes, se trouve aux pp. 236-242, avec l'illustration à la p. 234. Il en existe aussi une traduction dans A. S. Osley, Scribes and sources (Boston, 1980), pp. 62 et 92-94 respectivement.
Nous reproduisons ici les deux gravures [fig. 2-3], accompagnées d'une clé [fig. 1] où chaque outil est marqué d'une lettre, et nous donnons une liste compilée à partir des deux listes de T(agliente) et P(alatino), en même temps que les traductions d'Osley.
J. P. G.'s suggestion of a lead paper-weight can be illustrated by an object (saec. XVI) in the Museo Nazionale del Bargello, Florence (see Dora Thornton, The Scholar in His Study : Ownership and Experience in Renaissance Italy, London 1997, p. 133). [R.R.] |
There is the possibility that this phrase does not indicate a separate
instrument, but is rather meant to be taken in apposition to one of
the terms in the list of tools immediately preceding it : « Il
Compasso, la Squadra, la Riga...». [R.R.]
I do not believe that, in the list of tools of Palatino &171; Il Compasso, la Squadra, la Riga, il Rigatoio à uno e doe righe, le Mollette ... », any term can be taken as an apposition to any of the others. [J.P.G.] |
« ...le Mollette...» (ibid.) : these are
to be identified with J. P. G.'s Pv. Examples
have been excavated from late-medieval contexts (e.g., F. Williams,
Excavations at Pleshey Castle, Oxford 1977, p. 185, fig. 41,
no. 9). The vitrine with scribal hardware presently on display
at the Musée National du Moyen Age (Hôtel de Cluny, Paris ;
room 15, vitrine 2) displays a nearly identical object holding
down some leaves of a codex. The separate jaws of the molletta
are clearly visible in the Ogg facsimile. [R.R.]
The Mollette might be Pv; but I do not find that its separate jaws are particularly « clearly visible in the Ogg facsimile ». [J.P.G.] |
D.
Muzerelle's supposition that this term refers to a seal
matrix is undoubtedly correct. Tl and Pg do, however,
bear comparison to the seal (impressions) which have been detached from
letters (for melting and reuse ?) as shown in Hans Holbein the
Younger's 1532 Portrait of Georg Giesze (Gemälde-galerie,
Staatliche Museen, Berlin-Dahlem). [R.R.] I still have my doubts about the Sugello. I do not know the Holbein portrait; but would one expect seal inpressions peeled of from old letters (for reuse) to be hung with little string eyelets on pegs, as Tl, Pg and their Celebrino counterpart are ? [J.P.G.] |
J. P. G.'s identification of this object as Po is correct, and is supported by the very clear depiction of a nearly identical desk mirror in Niccolò Colantonio's San Gerolamo nello studio, ca. 1440s (Museo e Gallerie Nazionale di Capodimonte, Naples). Very few artifacts of this type are extant. [R.R.] |
Pour une part, les choses sont assez claires ; mais il nous reste quelques problèmes. D'un côté, le piombo, les mollette et - c'est très regrettable - le rigatoio a uno e doe righe n'ont apparemment été dessinés. De l'autre, on remarque sur les planches des outils qu'on ne retrouve apparemment pas dans le texte :
The « small book » (either a booklet, or three superimposed bifolia), Ts, may best be considered not as a tool, but as a symbol, the « final product » produced with the writing tools depicted. [R.R.] |
Tn and Pq are most likely desk seals (matrices). The forms match the many extant saec. XVI examples, as those in the Finlay Collection (Michael Finlay, Western Writing Implements in the Age of the Quill Pen, Wetheral 1990, pls. 319, 321-2) ; also the Holbein portrait supra, and Gabriel Mälesskircher, St. Matthew at his Desk with His Symbol the Angel, from the 1478 Tegernsee Altarpiece of the Evangelists (Thyssen-Bornemisza Collection, Lugano). [R.R.] |
« ...le Mollette...» (ibid.) : these are to be identified with J. P. G.'s Pv (...) [R.R.] |
D. M.'s identification of Ph is supported by surviving artefacts. The porte-mine is a tool whose form is at least as stable as that of the stylus, and certainly more so than the penknife (e.g., Bonner Jahrbücher LXXII [1982], 96- 7, and Maya Hambly, Drawing Instruments 1580-1980, London 1988, p. 58, ill. 34, bottom right ; Archéologie médiévale XXII [1992], 262). [R.R.] |
Et pourquoi est-il si grand ?
As remarked earlier, the representation of scale is not constant in T or P. The « small book », Ts, is about the same size as the candlestick, Tj, and the flask of ink, Tc, but all three are dwarfed by the quill pen, Tg. Similarly, the compass, Pl, quill pen, Pf, and penknife, Pj, are about the same length as the porte-mine, Ph, which is what we expect, but the sand-glass, Pd, and the ink flask, Pe, are depicted as a fraction of the size of these other objects. The conclusion is that relative size can bear no weight in deciding the identity of the « small book », Ts, the desk seals (matrices), Tn and Pq, or the porte-mine, Ph form is a surer guide. [R.R.] |
Il existe d'autres (peut-être beaucoup d'autres) dessins de la même sorte. Je regrette n'avoir pas pu lire le texte de Sigismondo Fanti (1514) rappelé par Osley p. 48 ; à la p. 54 on trouve la reproduction de son dessin, où l'on reconnaît facilement la plume et le canif, le compas et les ciseaux, l'équerre et l'encrier.
Un dessin dans Eustachio Celebrino, Il modo di imparare scrivere lettera mercantesca, 1525, nous montre plume [n] et canif [k], compas [d] et ciseaux [c], équerre [b], encrier [m], stylet [h] et chandelle [j] ; à côté, probablement le pot à vernice [i], la ficelle [g] et la cire à cacheter [f] (ou du moins une chose identique à Pg, Tl) ; en haut, le sablier [c] et le pot à encre [a] (on ne voit clairement que le col du vase, dont la panse se perd sur le fond noir !) ; dans l'encrier, un objet [l] qui pourrait correspondre à Tn, Pq ?
Sur la page de titre d'un manuel de notariat [Instruction wie gegen trefflichen Personen...], Frankfurt 1545, on retrouve plumes [l¹, l²] et canif [m], ciseaux [d] et règle [a], un plumier [k], un sablier [j] (pour sécher la page écrite), la ficelle [c, e], et quelques objets moins clairs [f, g, h] - et surtout, enfin ! une représentation du peigne à régler [b].
Nous serions heureux que les lecteurs qui ont connaissance de dessins comparables, ou qui disposent de renseignements sur la nature des objets que nous n'avons pas pu identifier, veuillent bien nous faire profiter de leurs lumières.
J. P. G.