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PRÉSENTATION CRITIQUE DU « SYSTÈME
LEROY »
POUR LA DESCRIPTION DES SCHÉMAS DE RÉGLURE
D.
MUZERELLE
Institut de recherche et d'histoire des textes (CNRS), Paris
PRINCIPES ET FONCTIONNEMENT DU SYSTÈME
Le premier recueil de schémas de réglure utilisés dans les manuscrits grecs a été donné en 1945. Encore très modeste, il se contentait d'un classement typologique sommaire :
Le système de description et de classification qui fait aujourd'hui référence dans le même domaine a été imaginé par le P. Julien Leroy, S. J., en vue d'ordonner un énorme répertoire fondé sur l'examen d'environ 3000 témoins. Une première version de ce travail, encore provisoire, a été publiée en 1977 :
Après la mort du savant, ses travaux ont été complétés et menés à leur terme dans le cadre de l'Institut de recherche et d'histoire des textes, pour aboutir à un travail définitif portant sur plus de 5000 manuscrits sans aucun changement dans la méthode mise au point par l'initiateur :
Dans ce système, chaque schéma est décrit par un code synthétique complexe tel que C-K 35C2cf, ou plus généralement de la forme :
Le « corps » du code, présent dans tous les cas, est formé de :
Des indices auxiliaires, placés devant ou à la suite, viennent éventuellement le compléter :
Indices de distribution des lignes.
Les indices de distribution des lignes expriment les divergences entre celle-ci et une distribution réputée « normale » laquelle reste dépourvue d'indice.
1. Distribution des lignes horizontales :
Est considérée comme « normale » la présence de lignes en nombre pair (zéro inclus), distribuées à égalité entre la marge supérieure et la marge inférieure, et formant un bloc unique dans chacune. Les autres dispositions sont notées au moyen des indices suivants :
Indice | Définition | Formule |
a | Toutes les lignes se trouvent dans la marge supérieure | n - 0 |
b | Toutes les lignes se trouvent dans la marge inférieure | 0 - n |
c | Le plus grand nombre de lignes se trouve dans la marge supérieure. | Total
impair : n - (n1) Total pair : n - (n2) |
d | Le plus grand nombre de lignes se trouve dans la marge inférieure. | Total
impair : n - (n+1) Total pair : n - (n+2) |
e | Il y a, dans l'une des marges au moins, une ligne double et une ligne simple, cette dernière étant la plus proche du bloc de texte. | 21-12 ou 21-n ou n-12 |
f | Il y a, dans l'une des marges au moins, une ligne simple et une ligne double, cette dernière étant la plus proche du bloc de texte. | 12-21 ou 12-n ou n-21 |
g | Il y a, dans l'une des marges au moins, deux lignes simples ou deux lignes doubles, espacées l'une de l'autre. | n-11ou
n-22 ou 11-n ou 22-n ou 11-11 ou 11-22 ou 22-11 ou 22-22 |
2. Distribution des lignes verticales :
Pour chaque nombre de lignes (en sus des deux qui bordent la justification), sont considérées comme « normales » les distributions suivantes :
0 :
1-1 |
1 :
1-2 |
2 :
2-2 |
3
: 2-21 |
4 : 2-22 |
5 : 2-221 | 6 : 2-222 | 7 : 2-2221 | 8 : 2-2222 | (etc.) |
Les autres dispositions sont notées au moyen des indices suivants :
Indice | Définition | Formule |
m | « La ligne de justification de gauche est doublée, alors que celle de droite est simple » | ... 2-1 ... |
n | « La ligne de justification de droite est doublée, alors que celle de gauche est simple » | ... 1-2 ... |
o | « ... [à droite] la ligne de justification est simple et il figure dans la marge une ligne double » | ...-12 ou ...-121 |
p | « la ligne de justification de gauche est triplée » | ...3-... |
q | « la ligne de justification de droite est triplée » | ...-3... |
r | "Il y a dans la marge de droite une ligne serrée triple" : | ...-n3(...?) |
s | il y a dans la marge de droite deux lignes séparées" : ... | -n11(...?) |
t | il y a trois lignes dans la marge de droite, mais au lieu d'être groupées 2+1 comme dans le type de base, elles sont groupées 2+1 | ...-n12 |
x | la marge de gauche contient une ligne en sus de la ligne de justification (voir remarque ci-dessous) | 1n-... (?) |
Extension des lignes horizontales. L'extension des lignes horizontales (tant rectrices que marginales) est notée au moyen d'une lettre capitale, selon les conventions illustrées par la figure ci-contre. On notera qu'à l'exception des trois premiers (A, B, C), ces indices n'impliquent aucun véritable classement des lignes en fonction de leur extension. |
Types spéciaux.
a. Particularités de l'extension des lignes horizontales.
Des lignes marginales d'extension inférieure à la largeur totale de la page donnent naissance aux « types spéciaux » B ... I, chaque indice correspondant à une extension particulière, selon le schéma ci-dessus.
Si ces lignes sont d'extension différente, il en résulte un « type spécial » complexe dont l'indice est obtenu en cumulant deux indices primaires : AB, AC, BC ... Aucune règle n'est formulée quant à la façon dont ces indices sont associés. Des exemples relevés dans le répertoire, on peut légitimement déduire que les lignes sont censées être disposées symétriquement de part et d'autre de la justification, et que le premier indice énoncé correspond à la plus externe d'entre elles.
b. Particularités de l'entrecolonne [« marge médiane »].
En l'absence de spécification, le ou les entrecolonnes (impliqués par les chiffres 2 ou 3 qui concluent le « corps » du code) sont formés de deux lignes simples. Les autres cas contituent des « types spéciaux » :
c. Particularités de l'extension des rectrices.
Le système ignore la notion de « rectrices majeures », ou plus simplement « majeures » [cf. D. MUZERELLE, Vocabulaire codicologique..., 324.03]. Il sera néanmoins utilisé ci-après pour simplifier les explications. L'introduction de ce concept place les « types spéciaux » Pet Q sur un autre plan que le « type spécial » R.
d. Particularités du nombre de rectrices.
e. Combinaisons de types.
Les types présentant des particularités de divers ordres sont caractérisés par l'association des indices correspondants. B-J-K2-PB2a-X2 ... est une combinaison possible, représentant simultanément les particularités suivantes :
INCONVÉNIENTS ET LACUNES DU SYSTÈME
Outre les bizarreries qu'on n'aura pas manqué de noter dans sa structure et dans les conventions sur lesquelles il repose, ce système souffre de plusieurs défauts majeurs.
1. Complexité du décodage.
Différents indices pouvant être associés (dans la mesure où ils ne sont pas incompatibles), l'interprétation des combinaisons qui en résultent prend souvent des allures d'énigme arithmétique.
Exemple de décodage d'une combinaison d'horizontales codée ... 5 ... cfg ... = {21-11} (type 45C1cfgs, Sautel p. 62) 5:
il y a cinq lignes horizontales en tout ;
|
2. Ambiguïté des définitions.
La formulation de certaines définitions est ambiguë, les exemples figurés ne permettant pas toujours de lever l'incertitude. C'est notamment le cas de l'expression « il y a... », qui doit être entendue tantôt comme « il y a seulement », tantôt comme « il y a (entre autres) ». La seconde interprétation est notamment illustrée par le type 62C1r (Sautel p. 67, Leroy p. 21), où 6-r note la combinaison de verticales {2-231} ; il y a donc, dans la marge extérieure, une ligne de plus que la ligne triple impliquée par l'indice r. De ce coup, le même codage pourrait aussi bien s'appliquer à la combinaison {2-213} !
La définition de l'indice o est particulièrement floue : dans le corps du répertoire, cet indice n'est appliqué qu'à des combinaisons en {n-12} et {n-121} ; mais les termes de la définition n'excluent pas qu'il puisse également être appliqué à la combinaison {n-112}, pour laquelle un indice distinct est néanmoins prévu (t).
Les définitions ne se réfèrent qu'aux cas effectivement recensés, sans qu'on puisse savoir jusqu'où il est licite d'extrapoler la même convention à des cas analogues, mais non représentés dans le corpus. Il s'ensuit que la définition de l'indice vertical x apparaît différemment chez Leroy et chez Sautel, par suite sans doute de l'élimination du cas concerné :
3. Ambiguïtés des notations.
La plupart des indices sont dépourvus de valeur propre, et ne peuvent être interprétés qu'en fonction du nombre de lignes en cause ou des autres indices auxquels il est associé. Chacun peut donc correspondre à plusieurs combinaisons différentes.
Le comble de l'ambiguïté est atteint avec l'indice
g qui peut représenter, selon le contexte, non moins de huit
combinaisons différentes (voir ci-dessus).
Dans tous les cas où cet indice ne s'applique qu'à l'une des deux
marges et où le contexte déduit des autres indices ne permet pas
de déterminer de laquelle il s'agit et dans ce cas seulement !
il devient nécessaire d'apporter cette précision. Les auteurs
le font en assortissant l'indice g d'une indice complémentaire
placé entre prenthèses : (a) si c'est la marge supérieure
qui est concernée, (b) si c'est la marge inférieure [exemples :
34C1g(b), B 14C2g(b), K 66D2g(b), K 66E2g(b)].
Cette convention supplémentaire dont l'explication n'est fournie
que dans une note additionnelle ( Sautel, p. 28 ; Leroy l'ignore)
entraîne donc un peu plus de confusion.
4. Ambiguïtés d'interprétation.
La combinaison de certains indices entraîne une indétermination plus grave encore, puisque le subterfuge qui est censé la résoudre est en réalité inopérant. C'est le cas des indices e et f que l'on trouve associés dans le type 56D2ef (Sautel, p. 66; Leroy, p. 21), correspondant en l'occurrence à une combinaison d'horizontales {21-21}. Rien n'indique vraiment à quoi se rapportent respectivement les indices e et f. Selon Sautel, « cela est précisé par le fait que le premier indice affecte la marge supérieure et le second la marge inférieure » (p. 21 ; idem chez Leroy, p. XIV). Mais cette convention visiblement inventée pour ce seul exemple contrevient à la règle générale selon laquelle les indices doivent être énumérés dans l'ordre alphabétique. Une combinaison {12-12} ne pourrait être codée que de la même façon, attendu que ... fe n'est pas admis.
Un cas analogue est offert par les « types spéciaux » AB, AC, et BC. La combinaison de deux indices suggère bien que les lignes horizontales marginales sont de longueur différente ; mais aucune convention ne permet de spécifier la façon dont ces différences se répartissent. On se demande, par exemple, comment pourrait être codé un schéma dont les lignes seraient toutes de type A dans la marge supérieure, et toutes de type C dans la marge inférieure.
5. Illogisme des notations.
A l'exception des indices A, B, C, la notation de l'extension des lignes horizontales n'obéit à aucune logique (voir ci-dessus).
On observe en outre, sur plusieurs points, des absences de parallélisme
entre des notations traduisant des phénomènes du même ordre.
Considérons, par exemple, les indices c et d qui dénotent
une inégalité dans la répartition des lignes horizontales,
respectivement plus nombreuses dans les marges supérieure et inférieure.
En l'absence de paramètre auxiliaire, ils dénotent une différence
d'une ou deux unités, selon que le nombre total est pair ou impair (cette
ambivalence constitue déjà une curiosité). Si la différence
est supérieure, il devient nécessaire d'apporter une spécification
complémentaire, entre parenthèses.
Attendu que, dans la notation par défaut (sans paramètre), c'est
une différence qui est sous-entendue, on s'attend à ce
que le paramètre auxiliaire indique lui aussi une différence :
une distribution {7-2} devrait donc être décrite par 9-c(5).
Au lieu de cela, le paramètre correspond au nombre absolu des
lignes figurant dans la marge « majoritaire », et cette
même distribution est en réalité notée par 9-c(7).
Autrement dit, ces indices doivent s'interpréter tantôt de manière
relative, tantôt de manière absolue, selon l'environnement.
6. Non-indépendance par rapport à la linéation.
Le principe de base (parfaitement justifié) est que la notation doit rester strictement indépendante de la linéation, et que deux schémas ne différant entre eux que par le nombre des lignes rectrices doivent être considérés comme identiques.
Certains codages contreviennent à cette règle. Tel
est notamment le cas de C-R (C1+E5) 02C2a (Sautel, p. 236, c3).
Si l'on rapproche ce schéma de C-W5 01C1a (ibid., d1),
il est évident que ce qui le caractérise n'est pas le fait que
cinq rectrices d'extension E alternent régulièrement avec
une rectrice [majeure] d'extension C, mais le fait que la hauteur de
la justification soit partagée en quatre par cinq majeures d'extension
C. Dans ces conditions, l'alternance 1~5 décrite par la
notation Leroy-Sautel ne se produit que dans le cas où la linéation
compte exactement 25 lignes. Dans le cas où la justification
comporterait 21, 29 ou 33 rectrices, nous aurions respectivement C-R (C1+E4) ...,
C-R (C1+E6) ..., C-R (C1+E7) ..., bien que tous ces
schémas soient en réalité identiques selon le principe
énoncé plus haut.
Leroy (App. I) paraît avoir entrevu le problème : il avait
codé ce même schéma en C-R (C1+E5) 02E2a,
ce qui montre que, pour lui, les « vraies » rectrices
étaient celles dont l'extension se limite à la justification.
La correction introduite par Sautel est donc assez mal venue.
Les sous-types « spéciaux » Xa et Xb sont très probablement engendrés par un phénomène du même ordre : l'un et l'autre impliquent que le nombre total de rectrices est impair, tandis que le type X « pur » ne peut convenir qu'à un nombre pair.
Le système Leroy n'admet pas les situations suivantes, toutes attestées hors du corpus recensé et aisément décrites au moyen de la Formule analytique universelle:
Cet inventaire reste certainement incomplet.
8. Inaptitude à opérer des regroupements.
Le système ayant été imaginé pour classer le corpus selon certains critères (dont on ne discutera pas ici le bien-fondé), tout regroupement selon des critères différents est pratiquement impossible sur la seule base du codage.
Par exemple, les schémas comportant dans le haut de la marge supérieure une ligne double susceptible de porter un titre courant sont représentés par les codages suivants :
Nombre de lignes |
Indice requis | Combinaisons exclues |
2 | a | ag |
3 | c | cg |
4 | sans indice ou g(b) | g ou g(a) |
5 | d | dg |
6 | d ou dg(b) ou e | dg ou dg(a) |
7 | cg ou d(5) ou de | d(5)g |
8 | d(6) | d(6)g ou d(6)g(a) |
CONCLUSION Cette
somme d'ambiguïtés et de lacunes conduit à recommander
instamment |
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21/09/2005